Denis Pallier, ‘A Paris. Au Compas d’or, Rue Sainct Jacques’. La succursale parisienne de Plantin. Première partie: sources, organisation, approvisionnement, réseau

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‘A Paris. Au Compas d’or, Rue Sainct Jacques’. La succursale parisienne de Plantin. Première partie: sources, organisation, approvisionnement, réseau

Denis Pallier  in De Gulden Passer, vol. 98 (2020), nr. 2, pp. 17–124

Description

De nombreuses études ont montré l’ampleur du commerce international de Christophe Plantin. Dans ce négoce, la France avait un poids particulier, mais le modèle économique choisi par Plantin sur le marché français reste difficile à appréhender. La présente recherche a porté sur un élément majeur du dispositif plantinien, la succursale qu’il a créée à Paris. Malgré la disparition des Livres de Paris et des Livres longs des libraires de France, il a été possible de reconstituer le fonctionnement du Compas d’or parisien. Pour ce faire, on a recouru aux Journaux de l’officine plantinienne, à deux séries de comptes de Gilles Beys, à l’ensemble des sources du Musée Plantin-Moretus et à des sources françaises.

Entretenir une antenne permanente à Paris, comme l’avaient fait la firme aldine et les imprimeurs bâlois, était une opération coûteuse, appliquée à un espace stratégique. Plantin souhaitait diffuser sa marchandise en France de manière permanente et massive. On présente ici les stratégies qu’il a utilisées: organisation de sa succursale, qui a connu plusieurs statuts, techniques commerciales, politique d’approvisionnement, réseau de vente. Dans une seconde partie sera décrite l’économie d’une succursale, sujet peu documenté en France.

L’examen des statuts successifs de l’antenne fait apparaître une histoire différente de celle qui est habituellement retracée. En mars 1574, Plantin a cédé le fonds de la succursale à Gilles Beys. Mais son gendre n’a pas été en mesure d’honorer le contrat. En juillet 1575, Beys, maître du Compas d’or parisien, a été rétrogradé au rang de facteur. Une crise eut lieu à la fin de 1576. Les conditions du départ de Beys, qui s’installe comme libraire autonome en janvier 1577, montrent qu’il avait préparé sa sortie. Ces épisodes ont pesé sur le rythme d’approvisionnement et sur les ventes de l’antenne, dans des années où la production des presses plantiniennes atteignait son apogée. Ils ont perturbé les relations familiales.

Néanmoins la constitution de séries quantitatives montre la pénétration du marché français. Plus de 48.000 florins de marchandises ont été adressés à l’antenne entre 1567 et 1577. Cela représente la moitié de la valeur des livres envoyés à l’Espagne, principal débouché de Plantin entre 1571 et 1576. À Paris, la succursale bénéficiait de la meilleure implantation, d’outils publicitaires, de livraisons fréquentes. En reconstituant le rythme et le volume des envois, on perçoit trois modes d’action de Plantin. Celui-ci offrait un large catalogue. Il a réussi des coups éditoriaux, en connaissance du marché. Il s’est approprié des secteurs de l’édition (livres d’emblèmes, livres d’heures). Les éditeurs français ont rapidement perçu Plantin comme un puissant rival et un intéressant modèle, copié à son tour.

Plantin avait trois points de contact avec le marché français: la boutique d’Anvers, les foires de Francfort, l’antenne parisienne. La succursale s’est insérée dans une organisation existante, dont on a examiné l’évolution depuis les années 1550 jusqu’à la fin du siècle. Il apparaît que, de 1567 à 1575, le commerce plantinien en France a été centré sur la succursale, où Beys avait capacité d’arrêter des comptes. Ce modèle centralisé, repris et amélioré par Michel I Sonnius, partenaire parisien de Plantin de 1578 à 1589, a permis de gagner des parts de marché. La marque du Compas a conquis un public. Malgré les troubles de la fin du siècle, guerres de la Ligue puis guerre franco-espagnole, les sortes plantiniennes ont continué à s’écouler en France, où elles étaient attendues.